
2007 a été une année importante pour l’industrie automobile.
Depuis quelques années, un nouveau schéma industriel est apparu et pour la première fois en 2007 s’est produit un événement qui contredit dans la pratique un credo qui a régit toute l’industrie automobile depuis plusieurs décennies.

Dans les années 1980 et 1990, toute l’industrie automobile mondiale était convaincue que la survie à long terme d’une marque ou d’un groupe ne pouvait se faire que par une production totale qui atteigne un minimum de 5.000.000 de véhicules par an.
Aujourd’hui, grâce à une marge bénéficiaire considérable, un des plus petit constructeur au monde (Porsche) a pris le contrôle d’un des plus grands groupe industriel d’Europe (Volkswagen) et des groupes aussi historiquement puissants que General Motors ou Ford subissent restructurations sur restructurations et doivent vendre pour financer, du moins en partie, ces refontes structurelles continuelles.
Ainsi Ford, le colosse aux pieds d’argile, empêtré dans la « méforme » de ses ventes et surtout de ses bénéfices aux USA, a été contraint de vendre en mars 2007 Aston Martin, dont la santé financière n’a jamais été aussi saine.
Cette nouvelle page qui s’ouvre nous permet de revenir sur le passé particulièrement agité de la marque britannique.

Aston Martin est l’exemple parfait de la marque automobile à la renommée exceptionnelle, due à la création de voitures de sport techniquement et esthétiquement superbes, mais ruineuses à produire. Néanmoins, il y a toujours eu quelques personnes assez folles (ou passionnées) pour reprendre à chaque fois le flambeau.

En 1914, Lionel Martin et Robert Barmford construisent, à partir d’un châssis Isotta Fraschini de réemploi et d’un moteur Coventry-Simplex de 1400 cc, une voiture légère et sportive, qu’ils engagent notamment en courses de côte. Une de ces courses, appelée Aston Clinton, servira à baptiser la nouvelle-née, Aston-Martin.
La guerre 1914-18 empêche toute commercialisation et les années de l’immédiat après-guerre se limiteront à la participation à des épreuves sportives financées en grande partie par un richissime mécène, le comte Zborowski (1895 – 1924), notamment connu comme le concepteur et pilote des fameuses « Chitty Chitty Bang Bang », voitures de courses équipées de monstrueux moteurs d’avion, car entre-temps, Robert Barmford s’est retiré de la société.
Il faudra attendre 1922 pour que sortent d’un modeste atelier londonien et de manière plus ou moins régulière les premiers exemplaires d’Aston Martin.
Le moteur est un quatre cylindres latéral de 1500 cc, la boite à quatre vitesses, le châssis est classique pour l’époque. On en fera une soixantaine d’exemplaires jusqu’en 1925. Quelques voitures reçurent des moteurs poussés, à arbre à cames en tête, elles eurent un certain succès en compétition.



Suite aux difficultés financières apparues en 1925, l’affaire mise en liquidation change de mains en octobre 1926 et déménage pour s’installer à Feltham.
A partir de 1927, est mis en fabrication un nouveau modèle conçu par l’ingénieur Bertelli qui avait auparavant travaillé chez Enfield-Allday. Le moteur est un quatre cylindres de 1500 cc à un arbre à cames en tête, la boite a quatre vitesses, le châssis est classique.
Jusqu’en 1929, la production totale se limitera à quelques dizaines d’exemplaires.

Par la suite, la situation s’améliore et 1933 sera la meilleure année de production, puisque la firme fabrique, cette année-là, plus de 100 exemplaires.
C’est également en 1933 que Bertelli se retire et la direction passe à Gordon Sutherland.

Fin 1934, le châssis est rigidifié et la voiture devient la Mk II, on trouve aussi une célèbre version super sport, l’Ulster, capable de dépasser les 160 km/h.







La marque récolte quelques résultats sportifs intéressants et participe à plusieurs reprises aux 24 Heures du Mans où elle récolte des victoires de catégorie, sa faible cylindrée de 1.500 cc ne lui permettant pas de lutter pour une première place au général.
Produit jusqu’en 1936 (Production totale 1927-36 : environ 380 exemplaires), le modèle 1500 « Feltham » se déclinera en 3 séries (Série I : 1927 – 1932/_Série II : 1932 – 1934/_Série III ou Mark II : 1934 – 1936) dans différentes versions de puissance et la production augmente quelque peu.
En 1937, la voiture s’étoffe quelque peu et reçoit un moteur de deux litres. Il en sera fabriqué 174 exemplaires entre 1937 et 1939.


En 1939, Aston Martin construit quelques exemplaires du Speed Model, équipé d’une carrosserie aérodynamique d’aspect un peu déroutant, le type C.


A la fin de 1939, l’ingénieur Claude Hill, alors responsable technique, étudie l’Atom, une légère berline quatre portes, dotée d’une sorte de monocoque en tubes, utilisant un moteur deux litres et une boîte Cotal à 4 vitesses. Des essais en seront fait au tout début de la guerre. Cette voiture aura une énorme influence technique sur les Aston Martin d’Après-guerre.




Entre 1915 et le début de la Seconde Guerre Mondiale, 614 Aston Martin auront été construites, soit une production d’environ 30 voitures par an!!! Cela semble miraculeux qu’une marque automobile puisse survivre plus de 20 ans à des ventes pareilles, et pourtant…
En 1946, on reparle d’Aston-Martin avec une deux litres à culbuteurs, suspension avant indépendante, freins hydrauliques.
En 1947, Sutherland vend l’affaire à David Brown, un très important industriel spécialisé en engrenages et en tracteurs agricoles. Ce dernier vient de racheter l’usine Lagonda qui produisait une voiture à moteur six cylindres de 2,6 litres, à deux arbres à cames en tête, moteur dessiné par Walter O. Bentley.


Après avoir construit quelques deux litres (rebaptisées ultérieurement DB1), dont une DB1 2 litres à carrosserie expérimentale ( pilotée par Marèchal – Mathieson aux 24 Heures du Mans de 1949) qui, dès 1950, deviendra la DB2. En effet, David Brown fait mettre le moteur Lagonda dans ce coupé aérodynamique à châssis multitubulaire, dérivé de celui de l’Atom. La DB2 connaîtra le succès, commercial mais aussi sportif par d’excellentes prestations au Mans et aux Mille Miles notamment.









Côté compétition, Aston Martin se lance dans la fabrication de voitures destinées à courir dans la catégorie sport. La première est la DB3 dessinée par l’ingénieur allemand Eberan von Eberhorst, sur une structure tubulaire et doté d’un moteur 2,6 litres donnant 140 CV. Trop lourde, elle n’emporte aucune victoire retentissante et sera rapidement remplacée par la DB3S à moteur de 2,9 litres, développant 210 CV.
Aston Martin DB3 (1952)

En 1954, on commercialise un coupé 2 2, la DB 2-4, à deux petites places arrière, muni en 1955 d’un moteur 2,9 litres.
1954 est également l’année de l’achat par David Brown du carrossier Tickford dont les ateliers se situent à Newport Pagnell.
Entre 1954 et 1958, les ateliers Tickford seront uniquement destinés à la production de carrosseries.

En 1956, le carrossier italien Touring produira deux Aston Martin DB2-4 Spyder à carrosserie spéciale Superleggera. Les deux exemplaires produits sont à conduite à gauche, détail qui a du décontenancé un rien le gagnant du concours organisé cette année-là par le très britannique journal « Daily Mail » et dont un de ces «Spyder» était le premier prix.

Entre 1956 et 1959 également, des essais en formule I seront tentés sans résultats concluants, mais apparaissent aussi les DBR, voitures de sport qui brillent notamment au Mans, à Spa, au Tourist Trophy, au Nürburgring. Des moteurs de diverses cylindrées les propulsent.



La DB 2-4 Mk III de 1957 reçoit des freins à disques.


En 1958, le siège social s’installe à Newport Pagnell, dans l’ancienne usine des carrosseries Tickford (rachetée par David Brown auparavant).
En 1959, apparaît la DB 4 à châssis plateforme et moteur six cylindres 3,7 litres de 240 CV, dû à l’ingénieur Tadek Marek (né à Cracovie en 1908), c’est une variante dégonflée d’un des moteurs DBR. C’est la première Aston Martin entièrement construite à Newport Pagnell.
La DB 4 sera un succès avec 1.110 exemplaires fabriqués. Outre le coupé, la DB4 a également été proposée en variante décapotable (70 Drophead Coupe produits de 1961 à 1963), en version Vantage, plus poussée, de 255 CV (81 Vantage produites entre 1962 et 1963), en version sportive (75 DB4 GT produites entre la fin de 1959 et 1963) et enfin, il y eut 20 sublimes versions ultra sportives les mythiques DB4 GT Zagato (1960 à 1962).





En 1961, une première tentative de grosse berline sportive est proposée par le groupe David Brown. A cette occasion, réapparaît le nom d’une marque réputée, mais passée à la trappe de la rentabilité : Lagonda.
Basée sur une mécanique de DB4, la Lagonda Rapide a été desservie par un dessin assez austère. 55 exemplaires de Lagonda Rapide ont été produits entre 1961 et 1964.
Rapide est un patronyme célèbre chez les aficionados de la marque, puisque c’est une Lagonda Rapide qui gagna entre autres les 24 Heures du Mans en 1935. Ce patronyme réapparaîtra sur le coupé à 4 portes qu’Aston Martin compte lancer en 2009.

En 1964, est présentée la DB5 à moteur 6 cylindres en ligne de 4 litres qui deviendra l’Aston Martin la plus emblématique, grâce à la version ultra-gadgetisée qui joue un rôle assez important dans le film de James Bond « Goldfinger ». Après une assez longue éclipse, cette DB5 réapparaît régulièrement dans les James Bond récents et Aston Martin est redevenu la marque officielle de l’agent 007.





Autres « curiosités » , les fameux et rarissimes DB5 «Shooting Brake» exécutés par Radford entre 1964 et 1965 (12 exemplaires).
Comme il était dorénavant habituel chez Aston Martin, les versions Vantage et décapotables étaient proposées sur la DB5.

En 1966, apparaît la DB6 dont la puissance du toujours fringant 6 cylindres en ligne dessiné par Tadek Marek passe à 282 CV, sa version poussée Vantage atteignant elle 325 CV. La DB-6 est la première Aston offrant quatre places réelles, grâce à un empattement légèrement augmenté.
Comme la DB5, quelques DB6 ont reçu une carrosserie « Shooting Brake ».
Radford (6 exemplaires) et FLM (2 ou 3 voitures) ont produits au compte-gouttes ces engins particulièrement originaux.



En 1967, Aston Martin dévoile une toute nouvelle voiture, la DBS dessinée par William Towns.
C’est un gros coupé pouvant accueillir 4 passagers dont la version présentée en 1967 est encore dotée du 6 cylindres de la DB6, mais a été étudiée pour recevoir un V8 dont le développement a connu un retard assez important.

Il faudra attendre la fin de 1969 pour que ce tout nouveau moteur, toujours élaboré par Tadek Marek, apparaisse. C’est un V-8 de 5,4 litres à deux fois deux arbres à cames en tête.

La DBS est le modèle d’Aston Martin le plus longtemps produit. En effet, présentée en 1967, la DBS a terminé une carrière bien remplie en 1990, et près de 3.000 exemplaires ont été produits en un nombre assez impressionnant de variantes.
En 1972, David Brown subit des revers financiers et Aston-Martin et Lagonda sont repris par la Co Developments Ltd de William Wilson.
Immédiatement, un face-lift est proposé, et le patronyme DB disparaît. Les « DBS » et « DBS V8 » deviennent « Vantage » et « V8 ».



Le répit financier est court, car la première crise pétrolière pointe et les affaires périclitent. Le résultat ne se fait pas attendre et on ferme l’usine à la Noël 1974.
Heureusement, en 1975, un consortium d’hommes d’affaires nord américains, Georges Mindes et Peter Sprague notamment, sauvent Aston-Martin et la production peut repartir en se concentrant sur la V8.
En 1976, est présentée l’extraordinaire Lagonda berline à mécanique Aston Martin. Cette impressionnante limousine sera produite à partir de 1977 et restera en production jusqu’en 1990, après avoir subi des modifications esthétiques assez importantes en 1977. Un total de 645 Berlines Lagonda seront construites. Ce sera la deuxième berline produite par Aston Martin.

En 1978, on ajoute une variante poussée, la Vantage, ainsi qu’un cabriolet Volante.


En 1980, Aston présente un étonnant coupé à moteur V8 central arrière, doté d’une carrosserie au dessin très angulaire et à portes papillons, la Bulldog. Capable selon les dirigeants de la marque britannique d’atteindre les fameux 200 mph (320 km/h), cet exemplaire resté unique ne correspondait sans doute pas aux aspirations des fans de la marque.


En janvier 1981, Victor Gauntlett, via sa société pétrolière Pace, devient le nouveau propriétaire de la marque.
Fin 1982, Aston-Martin présente une Ford Capri décapotable exécutée par Tickford mais sans grande suite semble-t-il.

En mars 1984, Victor Gauntlett cède une partie de ses actions à Peter Livanos qui devient le nouveau patron.
Au mois d’avril de la même année, la 10.000ème Aston Martin sort de chaîne. C’est un coupé V8 piloté par John Martin, le fils de Lionel Martin, fondateur de la marque.
En 1985, L’association mythique entre Aston Martin et Zagato reprend.
Cinquante Coupés V8 Vantage Zagato seront produits en 1986 et 37 cabriolets V8 Vantage Volante Zagato produits en 1987.



Au salon de Birmingham de 1986, une extraordinaire version cabriolet de la V8 Vantage est présenté, la V8 Vantage Volante.

En 1987, à Genève, la berline Lagonda reçoit d’assez importantes modifications techniques et esthétiques.

En 1988, l’affaire est reprise par Ford.
A partir de 1989, la commercialisation du nouveau modèle Virage, présenté en octobre 1988 à Birmingham, a débuté. Dessiné par John Hefferman, ce coupé sera produit jusqu’en 1994 à environ 400 exemplaires.


En 1992, deux variantes du coupé Virage sont présentées :
La version découvrable du coupé Virage, la Virage Volante, dont 233 exemplaires seront construits entre 1992 et 1996.

La Vantage à V8 turbocompressé de 550, puis 600 CV sera produite jusqu’en 2000.

Un événement très important a lieu en 1994.
Dans l’usine Jaguar de Bloxham, la DB7 entre en production. Cet élégant coupé est proposé comme le premier élément d’une deuxième gamme, (relativement) moins élitiste financièrement.
Equipée du moteur 6 cylindres en ligne à compresseur de la Jaguar XKR, la DB7 est la première Aston Martin proposée à un prix qui permette de prévoir des chiffres de production plus importants que ceux des Aston Martin traditionnelles construites totalement à la main dans l’usine de Newport Pagnell.

En 1996, la DB7 Volante voit le jour.
C’est également en 1996 que sont présentés les nouveaux modèles hauts de gamme sobrement appelés V8 Coupé et V8 Volante. Basés sur les Virage Coupé et Virage Volante, ils ont subis l’influence stylistique des Virage Vantage (101 exemplaires produits entre 1996 et 1999 pour le V8 Coupé et 63 V8 Volante produits entre 1996 et 2000).

En 1999, la DB7 Vantage à moteur V12 est présentée simultanément en coupé et en version Vantage Volante. Ce sera un énorme succès, l’arrivée d’un V 12 en lieu et place du 6 cylindres en ligne Jaguar de la version précédente, sans que le prix soit trop fortement majoré, a été l’adjuvant qui a convaincu un grand nombre de clients indécis.

En 2001, apparaît la nouvelle Aston Martin de la gamme haute, la Vanquish à moteur V-12 de 5,9 litres.

La DB7 GT est présentée en 2002 au salon de Birmingham. Ce sera la version ultime de la DB7 qui reste actuellement l’Aston Martin la plus vendue.

Fin 2003, le coupé DB9 également à moteur V-12 est proposé en lieu et place à la DB7. La DB9 est la première Aston Martin a être produite dans l’ultramoderne usine de Gaydon.

En janvier 2004, apparaît la DB9 Volante.

En 2005, une troisième gamme, un rien moins onéreuse est présentée.
Appelée V8 Vantage, elle est équipée d’un V8 de 4,3 litres et d’une boite-pont. Comme toutes les Aston Martin qui se respectent, la V8 Vantage sera proposée en coupé et en cabriolet.
Aston Martin V8 Vantage Coupé (Detroit NAIAS 2005).
En janvier 2005, Aston Martin présente un concept car à Detroit. Il s’agit de l’Aston Martin Rapide, un coupé à 4 portes qui sortira au cours de l’année 2009.

En janvier 2006, la version cabriolet de la V8 Vantage Roadster, qui exceptionnellement ne s’appelle pas Volante, est présentée à Detroit.

En mars 2007, Ford vend Aston Martin.
Juin 2007, Aston Martin débute une nouvelle ère, sous la direction de David Richards, John Sinders et des dirigeants d’Investment Dar et Adeem Investment, les fonds de placements koweitiens.
Mais en 2007, les choses ont changé. Grâce aux investissements faits par Ford depuis 1987, mais aussi et surtout, grâce au professionnalisme qui règne depuis quelques années à tous les échelons de la société, Aston Martin a réussi avec succès sa conversion industrielle, tout en préservant son exceptionnelle image. Et cette fois, un avenir radieux semble s’ouvrir à la marque britannique.
Le jeudi 19 juillet 2007, la dernière Aston Martin montée à Newport Pagnell, la quarantième et dernière Vanquish «Ultimate Edition» sort de la chaîne de montage. Entre 1958 et 2007, près de 13.000 Aston Martin ont été construites à Newport Pagnell. Désormais, toutes les Aston Martin seront construites dans l’usine de Gaydon.

Au mois d’août 2007, lors du plus mondain concours d’élégance de la planète qui se tient chaque année à Peeble Beach, a été présentée la remplaçante de la Vanquish au sommet de la gamme Aston Martin : la DBS déjà aperçue, à la fin de 2006, dans le dernier « James Bond ».

Outre la production de luxueuses voitures de sport destinées à un usage routier, Aston Martin propose aussi une gamme complète de berlinettes de course pouvant concourir dans les diverses catégories des championnats FIA GT. Elle est en 2008 l’unique marque à proposer 4 modèles homologués spécifiquement pour chacune des quatre catégories FIA/GT. A savoir :
FIA/GT1 : DBR9

FIA/GT2 : Vantage GT2

FIA/GT3 : DBRS9

FIA/GT4 : Vantage N24


Texte et archives d’Yvette et Jacques Kupélian