Il y a quelques semaines, se sont fêtées les 50 ans de l’Alfa Romeo Giulia Berlina.
Il nous a semblé intéressant de nous hasarder dans les méandres de l’histoire de cette très attachante berline et sommes parvenus à démêler certains fils…
Lien sur diverses publicités d’époque de GIULIA Berlina
Au sortir de la 2e guerre mondiale, Alfa Romeo est la marque automobile italienne au passé sportif le plus prestigieux.
Depuis 1933, elle fait partie de l’IRI (Istituto per la Ricostruzione Industriale), une holding publique qui lui permet de survivre dans ces moments difficiles.
A la fin des années 1940, ses dirigeants décident de changer de politique industrielle.
En 1950, Alfa Romeo présente la 1900, une grande berline de moyenne cylindrée à tempérament sportif qui sortira de la première véritable chaine de production de la marque.
C’est une belle réussite commerciale et permet à la marque lombarde d’atteindre une première phase véritablement industrielle.
Néanmoins, si la production annuelle augmente de manière spectaculaire, passant de 300 automobiles produites en 1950 à environ 1.500 voitures en 1951, il n’y a pas de quoi perturber les nuits des dirigeants de FIAT, le rival piémontais qui à la même époque produit déjà plus de 100.000 véhicule/an.
La “Révolution” surviendra en 1955, avec la Berline Giulietta.
La Giulietta Berlina accueillait le superbe 4 cylindres en alliage léger à 2 ACT de seulement 1290 cm³ (étrenné quelques mois auparavant par le coupé Giulietta Sprint) qui « propulsait » cette berline à quatre portes/4 places à 135 km/h, vitesse qui fait sourire aujourd’hui, mais qui à l’époque (1955) était inaccessible à la grande majorité du parc automobile mondial.
Cette vitesse de pointe combinée à un excellent comportement routier fit que les Giulietta furent très appréciées auprès des pilotes amateurs, sur route, comme sur circuit.
D’autant que, dès 1957, une version plus puissante est proposée : la GIULIETTA t.i. (turismo internazionale) qui deviendra un vrai best-seller (1957-1965 : plus de 90.000 ex).
Conçue comme la 1900 avant elle, par l’ingénieur Orazio Satta Puliga (1910-1974), la Giulietta (Berlina et TI) sera la première Alfa Romeo à atteindre un chiffre de production à 7 chiffres.
La 100.001e berline Giulietta sortira en février 1960.
La lourde tâche du remplacement de la Giulietta est également confiée à l’ingénieur Satta.
Le 27 juin 1962, sur le circuit de Monza, l’Alfa Romeo Giulia t.i., présentée en petit comité, loin du brouhaha des grands salons internationaux, étonne par ses lignes anguleuses, voire raides, fonctionnelles, très éloignées de celles de la Giulietta TI.
La Giulia est une des premières voitures à posséder une structure de sécurité composée d’un habitacle rigide sur lequel se greffent des zones d’absorption de chocs à l’avant et à l’arrière.
Dotée d’une ligne très caractéristique, la Giulia est une des premières berlines de série à subir des tests dans un tunnel aérodynamique qui concilient une habitabilité très correcte à un Cx de 0,34, similaire à celui de la première Porsche 901/911, sortie un an plus tard.
La poupe et la proue donnent toute sa personnalité à cette berline dont l’habitacle au dessin plein de raideurs parvient, malgré une assez faible largeur (1560 mm), à recevoir 5 passagers (6 selon Alfa Romeo…).
En effet, le capot avant plonge agressivement sur 4 phares qui entourent une belle calandre chromée, alors que le massif coffre arrière à pan tronqué est inspiré par les
principes de Kamm.
Au niveau mécanique, la Giulia n’est pas en reste, et innove également en incorporant la technologie aéronautique du refroidissement des soupapes par sodium à la brillante architecture du double arbre à came en tête et du moteur tout en alliage qui faisait la réputation de la Giulietta.
Le 1570cc de la Giulia développe 92 ch DIN à 6.000 tr/mn, alors que le couple maxi atteint 12,1 m/kg à 4.000 tr/mn.
La vitesse de pointe frôlait, voire dépassait selon certains tests, les 170 km/h, vitesse assez exceptionnelle pour une berline de cylindrée moyenne de l’époque.
Autre privilège rare, la boîte de vitesse était dotée de 5 rapports, tous synchronisés (Pour rappel : Il faut attendre 1964, pour que la Jaguar E Type soit enfin dotée d’une boîte de vitesses à 4 rapports à 1ère synchronisée).
Bien sûr, il y a aussi quelques étrangetés, quelques anachronismes, comme la commande de boîte de vitesses au volant (qui, grâce à la banquette avant (…), permettait à Alfa Romeo d’annoncer la Giulia comme une berline 6 places…), la suspension arrière à essieu rigide ou les freins à tambours.
Comme nous le verront plus loin, certains défauts seront corrigés… et d’autres ne le seront pas…
Une curiosité: Visite du Président Giuseppe SARAGAT en 1965 de l’usine d’ARESE dans une version très spéciale de la GIULIA SUPER.
Signalons encore que les dirigeants d’Alfa Romeo ont décidé la construction de l’usine d’Arese en grande partie afin de produire les Giulia, et ce, dès le lancement de la voiture.
Malheureusement, les travaux de construction de l’usine ont subi de nombreux retards et la première voiture entièrement montée dans l’usine d’ARESE sera le premier Coupé …Giulia GT en 1963.
La production des premières berlines Giulia se fera au Portello, pour progressivement se déplacer vers Arese.
Il faudra attendre 1965 pour que les berlines Giulia soient entièrement montées dans l’usine d’Arese.
En résumé, la Giulia est plus qu’une simple héritière de la berline Giulietta.
Sous une carrosserie aux lignes agressivement fonctionnelles que certains journalistes de l’époque considéraient comme laides …, la Giulia foisonne de solutions techniques qui aujourd’hui encore demeurent d’actualité, mais aussi de détails qui permettent de millésimer (quoique…) le modèle.
Voici quelques repères, dates et renseignements plus ou moins importants dans l’histoire de la GIULIA Berlina pour y parvenir
(à prendre avec circonspection, car d’autres déjà se sont déjà cassé la tête sur le sujet… sans avoir établi beaucoup de certitudes absolues…)
_Année-Modèle 1962 – 1963
27-06-1962 : Circuit de MONZA présentation officielle de la première berline Giulia
_GIULIA t.i. (Tipo 105.14)
1570cc
Soupapes refroidies au sodium
92ch @ 6000
Boîte de vitesses 5 rapports
Banquette avant (Option : dossiers séparés)
Tableau de bord à tachymètre linéaire et grande poignée de maintien
Volant à 2 branches bicolore (noir et blanc crème) et avertisseur par « demi-cerclo de volant »
Levier de vitesses au volant (« cambio cloche » : levier au plancher en option)
Clé de contact/démarreur au tableau de bord, à gauche
Tapis de sol en caoutchouc
4 freins à tambour en alu (Il y aurait eu durant un temps très court des Giulia t.i. dotés de disques à l’avant uniquement)
Direction : A circuit de billes
Jantes acier de 15“
Pneus 155 x 15“
Double prise d’air transversale à la base du pare-brise
Capot nervuré et carrosserie à nervures latérales sur les portes avant, arrière et aile arrière
Petite baguette chromée dans le prolongement du répétiteur de clignotant
_Année-Modèle 1963
GIULIA t.i. (Tipo 105.14):
Option 4 freins à disque, de marque DUNLOP (reçoit alors la référence 105.08 ?)
05-1963: MONZA
_GIULIA t.i. SUPER (Tipo 105.16)
Version destinée à une homologation course
501 exemplaires (produits en 1963) dont 400 voitures auraient été destinés aux Carabinieri (les fameuses PANTERE) , Douanes et, sans doute, certains autres services des ministères de l’intérieur et/ou de la justice)
1570 cc des Giulia SS et TZ
112 ch @ 6000 tr/mn
2 carburateurs Weber 45 DCOE 14
Calandre 4 phares dont les 2 centraux sont remplacés par des entrées d’air
Sièges baquets à l’avant
Tableau de bord à cadrans circulaires
Volant à 3 branches et avertisseur moyeu central
Levier de vitesses au plancher
4 freins à disques Dunlop
Servofrein
Certaines pièces de carrosserie en alliage léger (portes – capots AV et AR)
Vitres latérales et lunette arrière en plexiglas
Vitres des portes arrière fixes
Jantes Campagnolo en magnésium
Double prise d’air transversale à la base du pare-brise
Petite baguette chromée dans le prolongement du répétiteur de clignotant
910 kg
_Année-Modèle 1964
09-1963 (Salon de Francfort):
__Toutes les Giulia reçoivent (enfin…) de série les 4 freins à disques et levier de vitesses au plancher (boîte de vitesses à synchronisation Porsche).
Dès lors, la Giulia t.i. (Tipo 105.16) devient (sans doute…) Giulia TI (Tipo 105.08)
_GIULIA TI (Tipo 105.09) : CKD destinés aux usines de montage (Afrique du Sud etc).
La production totale des berlines Giulia équipées de freins à tambours serait d’environ 22.000 exemplaires.
_Les Alfa Romeo GIULIA sont désormais disponibles en conduite à droite (RHD)
1964 : Arrêt de la production de la GIULIETTA TI remplacée par:
_GIULIA 1300 (Tipo 105.06)
Reconnaissable à la calandre 2 phares (acier inoxydable) et les pare-chocs sans butoirs.
1290 cc (Moteur de GIULIETTA TI)
78 ch @ 6000 tr/mn
Boîte de vitesses 4 rapports au volant pendant quelques mois (dont environ 300 exemplaires auraient été produits)
Équipement intérieur plus austère (sièges AV moins épais …)
Tableau de bord à tachymètre linéaire, similaire à celui de la 1600 ti, mais volant à 2 branches (noir uni), avertisseur par « demi-cerclo de volant » et sans la grande poignée de maintien
Disparition de la majorité des joncs chromés dont la petite baguette chromée dans le prolongement du répétiteur de clignotant
4 freins à disque de série
Pas de servofrein
Les GIULIA breaks ou PROMISCUA (Tipo 105.26 (uniquement pour les breaks COLLI montés à Milan ???)
A partir de 1964 sont apparus des breaks GIULIA ainsi que d’autres versions utilitaires assimilés, dont des corbillards INTROZZI…
Le carrossier milanais COLLI propose une première version à hayon bas (Hayon descendant au niveau du plancher) au salon de Turin 1964 un break Giulia assez élégant.
Il semblerait que très peu aient été construits.
Une deuxième version est apparue au début des années 1970 (semble-t-il…).
Basée sur la Giulia 1600 Super de 1970-72, elle est reconnaissable à son hayon arrière moins fonctionnel qui conserve la découpe de coffre de la berline.
Une version utilitaire dont la 3e vitre latérale est substituée par une tôle a eu une diffusion nettement plus importante.
Il est possible que ce soit un kit construit par COLLI qui ait été distribué par Alfa Romeo afin d’être monté dans les ateliers des concessions ou importateurs.
Il fut utilisé par la plupart des importateurs comme assistance rapide des services après-vente.
Les polices italiennes en utilisèrent un assez grand nombre durant les années 1968-1980.
Il y en eut également quelques-unes dans le parc de la police tessinoise (Suisse Italienne).
Notons également qu’il n’y aurait pas eu de break GIULIA sur mécanique 1300 (tous les documents consultés montrent des « PROMISCUA » dotées de calandres à 4 phares)
L’importateur belge utilisa au moins une PROMISCUA (1e version) sur base GIULIA TI.
En voici la preuve…dans la première moitié des années 1970.
Outre COLLI, il semblerait que d’autres carrossiers italiens aient créé des breaks GIULIA, dont INTROZZI qui en aurait produit 6 exemplaires.
Les breaks INTROZZI sont reconnaissables aux charnières plus discrètes du hayon arrière qui, de plus, descend jusqu’au plancher.
_Année-Modèle 1965
Dorénavant, les GIULIA Berlina sont entièrement construites et produites dans l’usine d’ARESE
03-1965:
_GIULIA SUPER (Tipo 105.26 – GIULIA SUPER RHD : Tipo 105.28) profite partiellement de l’expérience technique acquise avec la GIULIA TI SUPER
1570cc
98 ch @ 5500 tr/mn
2 carburateurs Weber 40 DCOE 27
Servofrein de série
Direction : Vis et galet
Dotation plus luxueuse
Volant à 3 branches et avertisseur moyeu central
Nouveau tableau de bord à cadrans circulaires et insert de bois
Poignée de frein à main « parapluie »
Sièges plus épais
Tapis de sol en laine
Clé de contact/démarreur à gauche du volant
6 Prises d’air à fentes longitudinales à la base du pare-brise
Jonc de bas de caisse latéral chromé
Vitesse de pointe : environ 180 km/h
_Année-Modèle 1966
02-1966:
_GIULIA 1300 TI (Tipo 105.39)
Les GIULIA 1300 TI en conduite RHD reçoivent la référence Tipo 105.40
1290 cc
82 ch @ 6000 tr/mn
1 carburateur double corps Solex 32 PAIA-7
Boîte de vitesses 5 rapports
Servofrein de série
Calandre 2 phares mais pare-chocs AV et AR dotés de butoirs
Présentation et dotation moins austères que la Giulia 1300
_Année-Modèle 1967
_Les disques ATE remplacent les Dunlop sur toute la gamme.
_Année-Modèle 1968
Sur toutes les Berlines Giulia :
6 Prises d’air à fentes longitudinales à la base du pare-brise, réservées jusqu’alors à la Giulia Super.
_Nouvelles calandres :
-4 phares et 5 barres horizontales chromées sur la GIULIA Super
-4 phares et 3 barres horizontales chromées sur la GIULIA 1600 S (Tipo 105.85: 1570 cc – 95 ch @ 5500 tr/mn), destinée principalement au marché italien, elle remplace la GIULIA TI.
La GIULIA 1600S en version RHD reçoit le référence 105.87
-2 phares et 3 barres horizontales chromées sur les GIULIA 1300 et 1300 TI
_Giulia 1300 TI :
Nouveau tableau de bord similaire à celui de la GIULIA 1600 TI/_1600 S
_Année-Modèle 1969
_Sur toutes les berlines GIULIA:
Meilleure insonorisation
Modification de la géométrie des suspensions
Apparition d’une barre anti-roulis arrière
Remplacement des jantes de 15“ par des 14“ sur GIULIA SUPER
(option sur 1300 TI et 1600 S)
Les pneus de 155 x 15 sont remplacés par des 165 x 14“ sur GIULIA SUPER
(option sur 1300 TI et 1600 S)
_ Nouvel embrayage à commande hydraulique
_Un alternateur remplace la dynamo
_GIULIA SUPER : Puissance accrue (102 ch @ 5500 tr/mn)
_GIULIA 1300 reçoit un Servofrein
_Année-Modèle 1970
_ Toute les berlines GIULIA reçoivent :
Double circuit de freinage
Frein à main « parapluie » remplacé par levier central derrière le levier de vitesses
Pédales de freins et d’embrayage suspendues et non plus sortant du plancher.
Poignées de portes extérieures plus grandes
_GIULIA 1300 SUPER (89 ch) reçoit le même équipement (à l’exception de la calandre 2 phares) que la GIULIA SUPER qui dorénavant se dénomme GIULIA 1600 SUPER.
_Année-Modèle 1972
Simplification de la gamme
Arrêt de production des GIULIA 1300 et GIULIA 1600 S
Léger facelift des GIULIA SUPER 1300/1600 qui deviennent GIULIA SUPER 1.3 (Tipo 115.09) et GIULIA SUPER 1.6 (Tipo 115.29 – RHD : 115.30) principalement reconnaissables à l’extérieur par la suppression de certains chromages (calandre, phares AR et arches de roues) et certaines modification de détails de l’habitacle (Console centrale décorée de bois, remplacement de la moquette par un tapis de sol en caoutchouc)
Pour la première fois, la nouvelle calandre à 4 phares est arborée par la Giulia Super 1.6, mais aussi par la Super 1.3.
_Année-Modèle 1974
La nouvelle dénomination « Giulia NUOVA Super » souligne les modifications esthétiques relativement importantes apportées à la GIULIA qui entame sa douzième année de carrière, tout en continuant à atteindre des chiffres de production très corrects.
Les GIULIA NUOVA SUPER adoptent une nouvelle calandre,
un nouveau capot moteur,
un nouveau couvercle de coffre
et un pare-chocs arrière plus enveloppant.
Totalement identique, la NUOVA Super 1300 (Tipo 115.19S) ressemble comme une goutte d’eau à la NUOVA Super 1600 (Tipo 115.29S – RHD : 115.30S).
Seule différence: le logo arrière spécifiant la cylindrée…
_Année-Modèle 1976
Le premier grand choc pétrolier a frappé de plein fouet tout les économies mondiales.
Et même Alfa Romeo décide de proposer une version « mazoutée » de la GIULIA.
Ce sera la NUOVA SUPER 1800 Diesel...
Le moteur diesel à 4 cylindres PERKINS de 1.760 cc et 55 ch SAE qui équipait depuis quelques années la fourgonnette Alfa Romeo F12 se trouve à la peine dans la GIULIA qui parvient avec peine à atteindre 135 km/h…
De plus, comme le châssis ne reçoit pas les renforts nécessaires pour pouvoir absorber les vibrations importantes du moteur diesel, ce sera un fiasco commercial (6.537 exemplaires auraient été produits) et technique (nombreuses ruptures structurelles causées par les vibrations du moteur diesel).
1977 : Fin de la production de la GIULIA.
En près de 15 ans de production, plus de 580.000 berlines Giulia auront été fabriquées, soit 4 x plus que la berline Giulietta, la précédente détentrice du record de production Alfa Romeo.